Chien agressif : comment font ces éducateurs canin ? Zoom sur la détresse acquise

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Chien agressif : Détresse acquise : des méthodes douteuses. Vous avez déjà vu ces vidéos, où un chien extrêmement agressif, fini au bout de quelques minutes par être totalement docile ? Ces vidéos font le buzz sur internet, pourtant elles cachent un dramatique secret.

Mais alors, par quel procédé ces éducateurs passent ils pour parvenir à des résultats aussi rapidement ? Et ces résultats justifient ils les moyens utilisés ? De plus, qu’apprend réellement le chien lors de ces séances et est ce durable sur le long terme ? Pour finir, est ce que cette méthode fonctionne avec tous les chiens ? 

Je vais répondre à ces questions dans cette vidéo. En commençant par vous raconter une histoire qui a vraiment eu lieu.

Vidéo YouTube sur le sujet

Part 1 : L’histoire de la détresse acquise sur des chiens

C’est en 1972 que le professeur en psychologie, Martin Seligman propose un nouveau concept. Celui de l’impuissance apprise à l’issue d’une expérience glaçante et loin d’être éthique.

Cette expérience à été réalisée avec des chiens justement ! En effet, 3 groupes de chiens ont été sélectionnés afin de mettre en lumière les différences entre l’expérience et leur apprentissage.

Le 1er groupe de chien était alors attaché à un harnais durant une courte période puis relâché.

Le 2eme groupe était également attaché à un harnais, mais subissait un choc électrique durant cette attache. Pour se sortir de cette douleur, il avait la possibilité d’activer un levier placé devant eux afin de se détacher et se mettre en sécurité.

Le 3eme et dernier groupe se retrouvait dans la même situation que le groupe n°2. A la différence qu’eux ne pouvait agir eux même sur leur libération. A ce stade, les chiens du groupe 3 étaient impuissants et ont montré des symptômes similaires à la dépression chronique.

Ainsi, les 3 groupes avaient trois niveaux d’expérimentation différents.

Une fois cette première étape réalisée, l’expérience continuait. Les 3 groupes étaient alors placés dans un nouveau dispositif, strictement identiques pour les 3 groupes cette fois. Les chiens étaient ensuite placés dans un espace comportant un petit muret qu’il suffisait de sauter pour permettre aux chiens de se mettre en sécurité. 

Dans cette seconde étape les résultats ont montré que contrairement aux autres groupes, la grande majorité chiens du groupe 3 restait passivement immobile à gémir alors même qu’ils auraient pu se mettre en sécurité. Autrement dit, ces chiens qui avaient alors appris qu’il ne pouvait pas agir sur eux même. N’essayaient même plus dans une situation où possiblement il avait un pouvoir sur la situation. Cela se nomme aujourd’hui l’impuissance apprise ou la détresse acquise. 

Avec cette expérience, Seligman conclut que le traumatisme réduit la motivation à répondre. Que les expériences traumatiques interdisent l’apprentissage de nouvelles réponses. Et que cet état de détresse acquise serait un facteur de dépression et d’anxiété. 

De plus, nous pouvons mettre en relation cette expérience avec ces situations que vivent ces chiens dans ces vidéos “d’éducation” où leur réaction agressive face à une situation inconfortable pour eux n’a aucune conséquence. Il est notable de constater que dans ces vidéos, les chiens sont tous attachés. Ils n’ont aucun moyen de fuir, et bien que leur comportement agressif démontre un inconfort évident causé par la présence et l’attitude de l’éducateur canin, le chien ne peut pas se sortir de cette situation. Une fois que l’état de fatigue est trop avancé, le chien n’a plus d’autre choix que de se résigner. Le faisant ainsi tomber dans un état similaire au chien du groupe 3 lors de l’expérience de Seligman. 

 

Part 2 : Détresse acquise, la fin justifie les moyens ?

Maintenant que nous avons compris le procédé utilisé par ces éducateurs canins pour obtenir ce type de résultat. On peut se demander si le résultat justifie les moyens ?

Quand on regarde les vidéos de ces éducateurs canin, qu’est ce que l’on peut voir : 

Un chien qui à des comportements que l’on peut interpréter comme agressif. Il montre les crocs, grogne et essaye de mordre. On peut également observer des comportements de stress et d’irritation. Avec des léchage de truffe, des regards détournés, souvent aussi leur port de queue et d’oreille est basse indiquant un manque d’assurance. Dans la grande majorité des cas, ces indications démontrent que le chien est sur la défensive. Face à une situation dangereuse on observe souvent une stratégie de fuite et si cela n’est pas possible on cherchera à attaquer. Ce sont des réactions naturelles appelées (Noms anglais). D’autres actions sont possibles comme l’immobilisme ou le fanfaronnade mais plus rare dans les situations vécues qui nous intéresse ici.

Donc, le chien vit un danger. Car même si l’éducateur canin n’est pas censé être un danger, de notre point de vue humain, le chien le considère comme tel au vu de sa réaction.

Face à ce danger, le chien à une réponse réflexe induite par l’émotion qui se traduit comportementalement par des comportements agressifs. 

Or dans ces vidéos, c’est bien cette réponse comportementale qui est le problème et pas la cause de ces comportements.

Une émotion, c’est quoi ?

Une émotion induit en premier lieu une réponse physiologique, puis une réponse comportementale. Mais au départ, l’émotion est induite par un élément extérieur. 

Imaginez, vous avez peur des araignées. Face à une mygale, vous allez sûrement fuir ou à défaut essayer de la tuer. Suite à cela, ne serait-il pas plus logique de s’intéresser à votre peur des araignées qu’au votre comportement en leur présence afin de vous permettre de durablement mieux vivre ? 

Dans ces vidéos, la méthode mise en place est justifiée par le comportement agressif. Mais est ce que ce n’est pas la méthode qui crée l’agressivité finalement ?

Néanmoins, il est évident que ces chiens ont des efforts de socialisation à faire. Car bien que la méthode augmente la réaction agressive jusqu’à l’éteindre par le biais d’un état de détresse acquise, il n’en reste pas moins évident qu’un travail est nécessaire pour ces chiens. 

Quand un chien agresse, il est dans une émotion négative excitante. On doit alors le faire passer en émotion positive inhibante. Et non comme on le voit dans la plupart de ces vidéos, en émotion négative inhibante. Oula, je vous ai perdu ? Pas de pratique, je vous explique !

Les émotions se classifie en 4 groupes :

Les émotions agréables et désagréables et les émotions excitantes ou inhibantes.

Un chien qui joue est dans une émotion agréable / excitante. Celui qui agresse est dans une émotion désagréable / excitante. Un chien qui se relax est dans une émotion agréable / inhibante. Et un chien en détresse acquise ou déprimé est dans une émotion désagréable / inhibante.

Contre conditionnement et désensibilisation

En travaillant tout d’abord sur un contre conditionnement de l’élément négatif et une désensibilisation.

Mais comment fait-on cela ? Très simple ! 

Le contre conditionnement pour commencer. Nous avons un chien qui n’aime pas un stimulus, cela peut être les hommes par exemple et nous voulons changer l’association que ce chien à avec cet élément. Nous allons donc chercher à contre-conditionner l’homme en ajoutant un élément agréable à la suite de la présentation d’un élément désagréable. 

Imaginez vous, avec votre peur des araignées. Pour vous contre-conditionner, j’utiliserai alors l’ajout d’un élément agréable comme 1000 euros. 

Je ferai alors ceci

Présentation de l’araignée, puis juste après je vous donnerai 1000 euros et je reproduirai cette séquence de nombreuses fois sur plusieurs séances. Au bout d’un moment, plus ou moins long en fonction de votre motivation à obtenir 1000 euros et de votre peur des araignées, vous considérez que la vue de l’araignée est quelque chose de bien finalement car elle vous permet d’être plus riche ! Votre réaction face à l’araignée sera alors modifiée. 

Pour votre chien, le système est le même, en utilisant des renforçateurs positifs pour votre chien comme sa nourriture préférée ou son jouet fétiche par exemple.

Mais attention pour que cela fonctionne le timing est important ! 

Et oui, si vous présentez d’abord ce qui agréable et ensuite ce que l’on aime, on empoisonne l’outil. Si je donne 1000 euros et que juste après je vous présente une araignée, vous aurez tendance à appréhender à la simple vue de 1000 euros sachant ce qu’il va suivre. 

On voit très souvent cette erreur en éducation, donner pleins de friandises à un chien et ensuite faire venir ce qui lui fait peur. Ça revient à empoigner les friandises. 

Vous avez compris le principe du contre conditionnement ? Passons maintenant à la désensibilisation 

La désensibilisation consiste tout simplement à permettre à l’individu de se réhabituer, autrement ne plus faire attention à un stimulus.

Par exemple, vous êtes sûrement habitués au bruit des voitures qui passent devant chez vous quotidiennement, vous ne les entendez plus. Pour permettre au chien d’arriver dans un état tel que celui-ci, alors qu’au préalable la présence d’un stimulus l’irrite, il faudra alors le désensibiliser. 

Comment faire ? 

Il suffit de respecter 4 règles principales :

1- ne présenter pas le stimulus trop longtemps 

2- laisser un temps de récupération entre les séance de désensibilisation 

3- Permet à ton chien de faire une pause quand il en à besoin, ne le force pas à rester s’il veut partir, mais n’arrête pas non plus. Fait une pause et revient à l’exercice en facilitation ta demande et ensuite arrêté pour cette séance 

4- Apprend lui à te dire “pouce” en mettant en place un comportement appris comme porte de sortie à ton chien 

C’est 4 règles te permettront de désensibiliser ton chien progressivement 

A lire aussi : Comment rééduquer un chien agressif ?

Part 3 : Détresse acquise, cet apprentissage est-il durable ?

Selon l’étude de Seligman, il à remarqué qu’auprès des chiens devenues apathiques, quand ils étaient portés pour passer de l’autre côté du muret, pouvait pour certains réapprendre l’initiative de leur inconfort et sortir de l’état de détresse acquise.

Cela signifie que l’on peut aider les chiens à se sentir mieux après un apprentissage tel que celui-ci, mais cela n’est pas garanti et prendra du temps. Il est donc souhaitable de l’éviter d’autant plus que l’on a vu que d’autres chemins plus respectueux était possible pour parvenir à un résultat plus durable.

Cela fonctionne t’il sur avec tous les chiens ? Oui et non, un chien équilibré aura tendance à céder face à un inconfort qui lui est obligatoirement imposé sans possibilité de retrait. mais certains chiens seront plus compliqués que d’autres à faire céder. de même un chien qui aurait un problème de développement et ne serait physiquement pas en mesure de cédez, lui imposer de tel contrainte serait véritablement dangereux pour sa survie

Conclusion : 

Cette technique est donc extrême et n’est pas une méthode d’apprentissage mais un méthode de torture. L’expérience de Seligman a d’ailleurs été adoptée par les services secrets pour obtenir plus de résultat dans leur interrogateur… Maintenant que vous savez tout cela, vous ne regarderez sûrement plus de la même façon les vidéos de éducateurs canin, certes spectaculairement bien monté mais qui cache de lourdes conséquences sur le bien être du chien et son équilibre émotionnel.


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