Affaire Elisa Pilarski : chien tueur d’homme ?

Affaire Elisa Pilarski : Depuis quelques mois, une affaire sordide a inondé les réseaux sociaux. En effet, une jeune femme enceinte, Elisa, a été retrouvé morte par son mari, en pleine forêt. Il a découvert Elisa en partie dévorée par un ou plusieurs chiens. Une chasse à courre avait lieu au même moment. Mais, Elisa était accompagné de Curtis son chien type Amstaff. Deux camps principaux s’affrontent alors depuis quelques mois : ceux qui pensent qu’une meute de chien de chasse aurait tué la jeune femme et ceux qui pensent que Curtis se serait retourné contre sa maîtresse.

Dans cette affaire Elisa Pilarski, les deux camps émettent chacun leurs hypothèses. La vérité c’est qu’on ne saura jamais ce qui s’est réellement passé. Une meute de chien peut-elle tuer un humain ? Un chien peut-il se retourner contre son propriétaire ? Cet article ne pourra jamais résoudre cette affaire et d’ailleurs ce n’est pas mon rôle. Mettons un peu plus de lumière sur les comportements du canidé préféré des français.

Qu’est-ce que de la prédation chez le chien ?

Pour avoir un œil plus objectif sur l’affaire Elisa Pilarski, voici de quoi comprendre la prédation chez le chien.

L’humain a tendance à oublier que nos chiens sont des prédateurs. Nous acceptons facilement le comportement prédateur des chats, pour une raison quelconque, émerveillés par le «bon petit chasseur» qui a laissé tomber la souris décapitée à nos pieds pendant que nous lavions la vaisselle. Nous pouvons le trouver désagréable, mais nous le classons rarement comme un échec moral et nous craignons encore moins que le chat devienne agressif et une menace potentielle pour les gens. Les chats chassent et parfois tuent la vermine et les oiseaux pour la même raison que nos chiens : c’est l’instinct. On peut définir l’instinct comme un logiciel préinstallé dans l’ADN de animaux de compagnie à une époque où les compétences de la prédation étaient nécessaires à la survie.

Les 4 séquences principales de prédation se déroulent ainsi :

• voir
• poursuivre
• saisir
• tuer 

Toutes les séquences de prédation ne sont pas présentes chez tous les chiens. Certaines parties sont diluées, mais jamais éliminées. Par exemple, les races de troupeaux ne vont pas jusqu’à la mise à mort.

La prédation étant inscrite dans l’ADN du chien, on ne peut pas la supprimer. Ses comportements sont innés. C’est ce qu’on appelle des patrons-moteurs. Le comportementaliste Joël Dehasse définit les patrons-moteurs comme étant :

“Un patron-moteur est un comportement génétiquement prédéterminé, inné, qui n’a pas besoin d’être appris pour s’exprimer, mais qui a besoin d’apprentissage pour se perfectionner, et qui est auto-renforcé”.

Votre chien peut donc renforcer sa prédation. Il peut même la renforcer sans même aller à la chasse (en courant et attrapant la balle par exemple). Tous les chiens, de toutes les races possèdent les patrons-moteurs de la prédation.

Qu’est-ce qu’une agression ?

L’agression, simplement expliquée, est l’expression d’un comportement avec l’intention de se préserver. Cela signifie qu’un chien se sent en quelque sorte menacé par un stimulus externe. Les chiens préfèrent d’abord utiliser des options défensives, comme se retirer d’une menace. Lorsque cela ne fonctionne pas, il va s’inhiber dans l’espoir que la menace disparaisse. Si ces réactions ne fonctionnent pas, il choisira l’option finale, qui n’est plus défensive mais offensive et attaquera pour faire partir la menace.

Qu’est-ce qu’une dérive prédatrice ?

La dérive prédatrice est un comportement naturel, lié aux patrons-moteurs de la prédation, qui va s’intensifier, mais aussi dérailler. La dérive prédatrice se caractérise par les comportements que produit un chien, lorsqu’il est excité par :

• des sons aigus
• la course rapide d’un congénère
• le comportement frénétique d’un animal ou même d’une personne en détresse

Le chien devient alors prédateur envers lui. Le chien se concentre avec une grande attention sur l’objet de son excitation.

Ces dérives peuvent parfois être observées dans :

• les rassemblements canin : lorsque les chiens jouent à se courser. Le jeu va mal tourner et le groupe de chiens peut se montrer alors très dangereux envers le chien qui était poursuivi, au point de le tuer.
• quand un chien se trouve en présence d’enfants qui courent et crient.
• Etc

Le chien qui part en dérive prédatrice ne se rend pas forcément compte de ce qu’il se passe. Il ne sait même pas à ce moment là, qu’il poursuit un ami chien ou humain. Son instinct de prédation prend le dessus. Les informations liées à l’environnement ne sont alors pas analysées de la même manière.

Cette dérive peut s’observer dans différents contextes et peut concerner tous les types de chiens. Toutes les dérives prédatrices ne finissent pas en mise à mort.

Un chien peut-il se retourner contre son maître ?

Excité ou frustré, un chien peut se retourner contre son maître. Les morsures sont souvent légères. Un chien frustré peut tout aussi bien, se retourner et mordre sa laisse. Ce comportement agressif ne vise pas le maître. Mais, finalement le maître devient la décharge émotionnelle du chien à l’instinct T.

De plus, un chien peut également se retourner contre son maître par peur. Encore une fois, c’est l’émotion qui parle. Le chien cherche à mettre de la distance entre lui et ce qui lui fait peur. Certains chiens finissent par agresser à force :

• d’être maltraités
• poussés à bout

Voici une enquête sur la mortalité causée par des attaques de chiens en France : L’enquête.

Une meute de chien de chasse peut-elle tuer un humain ?

Tout comme le chien de famille une meute de chien peut tout à fait agresser et tuer un humain. En effet, les chiens du même groupe, peuvent s’entraîner et former une coalition dans certains comportements.

Bien évidemment, tout comme le chien de compagnie lambda, les chiens de chasse ne sont pas censés agresser un humain. Mais, comme expliqué précédemment, lorsque le chien est en frénésie, il n’est pas forcément conscient de ce qui se trouve devant lui. S’il y a plus d’un chien, l’agression est forcément plus dangereuse.

D’ailleurs une des études existantes sur les attaques de chiens de chasse en meute stipule :

“Lorsqu’une marque de morsure est causée par un chien, les trois schémas suivants peuvent être observés :

– blessures par morsure non mortelles

– blessures par morsure mortelles

– lacérations post mortem du corps de la victime.”

[Forensic studies of dog attacks on humans: a focus on bite mark analysis]

Les autres facteurs d’agressions

Un manque de socialisation, l’excitation, la peur, le manque de soins, la faim ou la maltraitance amènent le chien dans des états émotionnels parfois instables. Dites-vous que derrière chaque comportement, il y a une émotion qui elle-même traduit un besoin (sécurité, dépenses, alimentaire, reproduction, etc).

J’espère que toute la lumière sera faite sur cette affaire Elisa Pilarski, car celle-ci est tragique. Je n’incrimine aucun chien. Ce n’est jamais la faute des chiens. Eux ne choisissent pas d’être là et n’ont que des comportements adaptatifs à leur situation. Peu importe, qui sont les responsables, ne stigmatisons aucune race de chien.